Des réseaux sociaux

Publiée sur les réseaux sociaux le 5 octobre dernier, cette photo en noir et blanc a fait le tour du monde, aimée par plus de 100 000 personnes sur Instagram. “C’est le moment pour la positivité de devenir virale”, a déclaré Samer Cheaib, gynécologue obstétricien de Dubaï, contacté par le Huffpost. Jolie anecdote et joli présage, ce nouveau-né avide de voir la tête de celui qui a aidé sa maman à le mettre au monde !

Ce n’est ni le covid ni les masques qui m’animent aujourd’hui, ce sont les « réseaux sociaux ». Concomitamment, ils transportent des ondes d’amour et de tendresse et la haine la plus obscure.

Pourquoi utilise-t-on le qualificatif de Réseaux Sociaux pour Facebook, Instagram, Linkedin … ?

Pourquoi ce terme est-il dévolu aux réseaux numériques alors que nos réseaux amicaux, familiaux et professionnels in real life existent tout autant sinon plus ? Et comment les nommer, car ce qui n’a pas de nom n’existe pas… Formellement ce sont bien eux les réseaux sociaux, avec des amis moins nombreux que via l’écran certes, mais sans doute plus prompts à l’entraide.

La question des like

Pourquoi la pratique du « feed-like » n’est-elle pas aussi développée dans nos interactions physiques qu’en digital ? La version digitale est-elle plus facile ? Moins engageante ? Pourtant un pouce levé, un clin d’oeil, sont des témoignages de connexion très économes en énergie et puissamment impactants. L’option de la facilité ne pas être une réponse probante.

La dérive du système crée d’ailleurs une dépendance aux like, accentuant voire générant des difficultés de confiance en soi chez les personnalités immatures ou en construction. La dépendance aux feed-back est moins décrite par la littérature, car hélas, un feed-back bien formulé est tellement plus rare qu’un like assorti des toutes sortes d’Emoticones.

Pour s’accorder sur la sémantique, un feed-back est une boucle de rétroaction qui vient évoquer et commenter une action menée et observée afin d’aider son auteur à se situer au regard de ses intentions initiales et de l’impact sur l’environnement. Le feed-back appartient au monde de la systémique car il est toujours plus facile de comprendre les phénomènes en monde complexe quand on n’est pas seul. Il est l’écho radar qui aide à se situer pour avancer. Sans rapport donc avec un like ou un smiley… Encore que l’un n’empêche pas l’autre, c’est la substitution qui est préoccupante.

Nos réseaux non virtuels

J’aimerais que l’on emprunte aux codes des réseaux sociaux ce qu’ils ont de meilleurs pour nos interactions directes, comme notre propension à saluer et partager ce qui nous a réjouis, enrichis ; et que l’on conserve la profondeur de nos conversations, quel que soit le canal, car les technologies bougent mais pas les besoins psychologiques des humains.

Reste à nommer nos réseaux sociaux du monde physique, peut être en les qualifiant ? réseau familial, amical, sportif, professionnel… Nous pourrions aussi les décrire, les définir (avec une feuille et un crayon tant qu’à faire!) : qui appartient à vos réseaux ? De qui êtes vous proches ? De qui avez-vous le mobile ? Qui pouvez-vous déranger le week-end ? Qui vous viendra en soutien en cas de coup dur et réciproquement ? Une fois les listes faites, y compris les amis de vos amis, je vous invite à les considérer, dans tous les sens du terme. Prenez-soin des vôtres dans des échanges authentiques et nourrissants, sans attendre, sans rien en attendre.

Bien sûr, je ne suis pas contre un like si vous avez aimé ce billet, ou mieux tiens : un commentaire ! D’avance merci 😉 et merci Dr Samer Cheaib pour votre beau sourire !

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L’Homme est la Nature

L’Homme est la Nature, et ce n’est pas une erreur grammaticale ! Nous le rappelions lors du dernier article du blog, le mot crise appelle aussi la notion d’opportunité. Le surgissement de ce nouveau virus semble avoir modifié quelques curseurs dans les relations entre l’Homme et la Nature.

Quelle est la responsabilité des hommes et des femmes dans le passage de la Barrière des espèces de ce virus chimère? L’état des découvertes est repris dans cet excellent article de France Culture que je vous invite à parcourir.

Quel bonheur d’entendre à nouveau le champ des oiseaux, de découvrir des canards sur le périphérique ou des daims à Boissy Saint Léger ! Quelle joie de nouer / renouer avec le sport pour certains : une sortie d’une heure par jour a été posé comme une limite, mais ne s’est-il pas agi, pour beaucoup d’entre nous, d’une incitation à sortir, à respirer, plaisir que nous ne nous accordons pas en temps « normal » ?

Vive le vert

Le bio prend des parts de marché, le vélo explose, le vert est tendance.

Tendance confirmée par le second tour des élections municipales dans plusieurs villes de premier plan, scrutin placé au sortir du confinement.

Outre cette couleur politique, le rajeunissement d’une part significative de nos représentants est à noter également. Serions nous réellement en train de changer d’ère ? D’air?

Du ET au EST

Pour cela il faudrait changer de mindset. Poser l’équation de l’Homme et de la Nature est une erreur fondamentale. L’Homme est la Nature et la Nature est l’Homme, entre autres. Seule une approche holistique est possible pour bien poser la problématique et donc trouver des solutions pertinentes. L’humanité est un ingrédient du cosmos, réalité que nous avons ressentie lors de l’arrêt forcé de la planète, tout comme nous le vivons les nuits d’été en contemplant les cieux étoilés.

Cette émotion qui nous transporte, un connecté à tout, est celle qui nous fait nous sentir pleinement vivant, amoureux de la Vie. Les amants ne font qu’un, le ET sépare. Vous et nous, les femmes et les hommes, les valides et les handicapés…. méfions nous de ces ET qui catégorisent et qui clivent. Dès que le ET est posé, les prémisses du problème sont fausses à l’instar des solutions susceptibles d’être trouvées.

L’écologie ne s’articule pas avec l’économie via des arbitrages. Il faut imaginer d’autres rapports au monde, d’autres chaînes de création de valeurs, le moment est propice et il est plus que temps. Aucun dogmatisme n’est possible car il s’agit d’inventer. Espérons que la jeunesse (d’esprit au moins autant que d’état civil) en soit la catalyseur.

Nous ne pouvons écarter le risque que – passée l’émotion – nos bons vieux principes d’homéostasie mettent tout en oeuvre pour que tout redevienne « comme avant ». Je suis une incorrigible optimiste, et il me semble capter des signaux plus que faibles qui constituent de véritables encouragements.

Le beau et le bon

Espérons que le beau nous guide et que le bon (sens) ne nous abandonne pas. Le beau fait une intrusion remarquable et remarquée dans nos conversations, nourrissant la spiritualité à moins que ce ne soit l’inverse. Dans le langage courant aussi, la belle journée s’est substituée aux souhaits de bonne journée comme une traînée de poudre. Le bonjour fait de la résistance, mais pour combien de temps encore ? Du bon pour entamer un message et du beau pour clore, sans oublier une dose de care avec cette formule : « prenez soin de vous »… faut-il que le monde soit hostile ! Que nous racontent ces effets de mode, ces tics linguistiques, de notre rapport réel au beau ? Avions-nous perdu de vue ce besoin fondamental de connexion au sublime qui habitait déjà les habitants des grottes de Lascaux ? Notre matérialisme a-t-il fait le lit du besoin criant de sens et de beau qui balaie les générations ?

A l’heure où une crise économique s’annonce, comment articuler ces principes de réalité et de magnifique ? Je propose une modeste contribution : arrêter de parler pour agir. L’action modeste, faire, pas après pas, progresser, implémenter : faire du beau et faire du bien.

Cela ne se fera pas sans résistance, raison pour laquelle il faut faire de cette crise sanitaire un accélérateur de changement, prendre la vague. Ce changement est kaléidoscopique : à l’échelle de l’individu, des instances, des pays, la réalité est la même ; toutefois l’effort est sans doute un peu plus important pour des cultures cartésiennes et/ou manichéennes. Mais l’alignement des planètes est tel que la bascule semble inéluctable.

Ne soyons pas ennemis de nos intérêts, agissons, pourquoi pas tout de suite ? Maintenant ! Evidemment, je vous souhaite un « bel » été !!

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Correspondances : 5 ans déjà … Du fond du cœur merci !!!

Il y a 5 ans presque jour pour jour démarrait l’aventure de Correspondances. Une première mission passionnante : contribuer à la fusion de 2 cliniques parisiennes initiée par Sébastien Biron -merci Sébastien – et ma consœur et amie Nathalie Baker.

Quitter délibérément un poste de DRH pour aller vers cette aventure entrepreneuriale était viscéral, un besoin, mon troisième bébé. Le succès n’était pas garanti mais peut-il jamais l’être ? En revanche une certitude : ne pas tenter aurait été un regret incommensurable ; aujourd’hui je suis nourrie par cet ancrage puissant : je suis au bon endroit.

Le parti pris a été de créer une marque, Correspondances, comme le poème de Charles Baudelaire, avec la complicité d’Une Ile. Le territoire de Correspondances : le coaching, le conseil (en univers humains) et la gouvernance, mes passions. Ces 3 axes sont des points cardinaux pour ne pas perdre le Nord et avoir toujours cette vue globale que je qualifierais de systémique. Des convictions, des valeurs, un lieu… autant d’attributs qui permettront peut être à des petits Correspondances de naître et croître, ou pas.

Tout cela n’a été possible qu’avec le concours et le soutien merveilleux de plusieurs collègues, dirigeants et souvent ami(e)s, qui ont témoigné leur confiance dès le départ, comme passeurs et/ou comme clients. Je ne les remercierai jamais assez ; et leur liste est trop longue hélas pour que je puisse les nommer. Je suis sûre qu’elles et ils se reconnaissent ; toute ma gratitude!!

Exercer seule pour pouvoir designer les attelages ad hoc est un autre parti pris auquel je reste attachée, teams de pair(e)s ou d’experts avec d’autres ADN. Le réseau est clé pour aborder les sujets complexes, pour rester en lien et connecté, pour proposer la solution idoine, qui n’est pas toujours soi.

Ces réseaux sont aussi, entre autres, APIA par militantisme, Réseau Entreprendre Nord par engagement, Stratelio pour le développement de mes pratiques, l’Organic Lab pour inspirer l’air du temps, le club MGRH pour l’élégance des liens et des réflexions, merci Ludovic Pessin d’en être l’âme brillante et fidèle.

Aujourd’hui, plus de cinquante clients font confiance à Correspondances. Plus de mille heures de coaching individuel, des accompagnements d’équipes, des missions d’aide à la transformation des entreprises, de soutien aux Conseils d’Administration d’entreprises familiales et de start up, et , car on ne peut se renier, des interventions en appui aux DRH qu’elles soient structurées ou en passe de l’être.

Cette rétrospective est une source de fierté, de joie, de conscience que tout cela n’est possible que grâce à vous, communauté des décideurs mais aussi, le plus émouvant peut-être, grâce aux personnes accompagnées devenues promoteurs. Mention spéciale pour le soutien inconditionnel de ma famille, l’inspiration de celles qui m’ont précédée, et plus généralement merci à tous ceux qui ont croisé ma route et ont apporté petites et grosses pierres à mon édifice, car on n’apprend jamais seul.

Impossible de remercier tout le monde, mais je ne saurais en rester là sans un clin d’œil au Monde du Nedo, à Bertrand Tierny, champion de la mise en relation subtile, à qui je souhaite tout le succès qu’il mérite dans son beau château morbihannais.

Prochaine rétrospective dans 5 ans ! Pour cela prenez vraiment soin de vous, de votre congruence, de vos liens, réinventez-vous pour ne pas disparaître.

A bientôt

Anne

« Il y a l’univers du connu et l’univers de l’inconnu. Entre les deux il y a The Doors »

Disait Jim Morrisson, et aujourd’hui, en 2020, nous ajoutons qu’il y a aussi le Covid 19. Nous avons fait irruption dans un monde inconnu. Cet inconnu, virus de tous les superlatifs réactivant les grandes terreurs enfouies, balaie tous les impensables. Impensable d’imaginer que plus de la moitié de la population mondiale est confinée et que 68 pays devraient plonger en récession cette année selon Coface.

Ce nouveau coronavirus est aussi le nouveau maître du temps

Temps d’incubation, durée du confinement, applaudissements à la fenêtre le soir, temps professionnels et personnels emmêlés, temps longs, temps pour se battre ensemble puis temps pour débattre et juger, temps pour soi ou pas … Le temps est distordu. L’information perfusée en continu, angoissante et addictive jusqu’à l’écœurement, imprègne le monde.

Mais de quoi parle-t-on en définitive. N’y a-t-il pas sur-réaction ? Que penser de la Suède, qui a décidé d’opter pour une simple incitation à la distanciation sociale, misant sur les fondements du pays : auto-discipline et confiance. Reflet du kaléidoscope culturel, cette crise exprime aussi plus fortement que jamais l’autorité des Etats sur leurs citoyens.

Etait-il possible de prévoir ?

Le principe de précaution semble mort et enterré. Nous n’avions pas de masques, et ça tombe bien car ils étaient inutiles. Ce qui se révèle faux maintenant que nous en avons, car heureusement la connaissance avance au rythme des approvisionnements.

Etait-il possible de prendre à nouveau le risque que Roselyne Bachelot avait pris en 2009, en ne voulant en prendre aucun ? Né du scandale du sang contaminé, le principe de précaution avait été érigé en dogme, pendant un temps … révolu. Aujourd’hui, l’heure est à l’agilité et à l’effectuation. Test, learn & react, appliqué à la santé humaine. On apprend en marchant face à cet inconnu qui balaie le monde d’Est en Ouest, du Nord au Sud. Les protocoles de validation des nouveaux traitements – quant à eux – sont relégués au rayon des antiquités par certains. Mais à quel sain se vouer ?

Comment aurait-on pu éviter ce tsunami sanitaire et économique ? Classiquement le management des risques s’appuie sur des matrices de type Impact x Occurrence. Avec ce cadre, le nouveau coronavirus passe sous le radar, ce qui s’est produit. Quels enseignements en tirer ? Les Conseils d’Administration vont-ils modifier leurs pratiques au service de la résilience des entreprises qu’ils conseillent ? Certaines associations référentes en matière de gouvernance, comme APIA, s’y penchent déjà.

Un changement de type 2

L’école de Palo Alto parle de changement de type 2 quand le paradigme est modifié, rendant la continuité avant-après impossible. On a changé de monde, il faut réinventer et non simplement adapter. Les vieilles recettes n’opèrent plus.

Ces impensables sont à l’oeuvre, les manières de travailler changent, ce qui était une faiblesse devient une force (exemple le tissu économique français composé de grands groupes essentiellement). La conscience de notre vulnérabilité a jailli sans crier gare. Quelles mutations ce virus va-t-il connaître, deviendra-t-il notre compagnon de route ?

Mais alors nous vaccinerons-nous ? La grippe saisonnière et ses plus de 10 000 morts annuelles en France n’effraie pas le malade en puissance, puisque moins de la moitié des +65 ans se vaccine (source OCDE). Est-ce raisonnable de penser que cette fois ce sera différent? Je dirais oui, car cet impact est systémique : il touche l’intime et les collectifs ; il est profond, il nécessitera d’inventer d’autres moyens (de produire, d’enseigner, de soigner…), il est sociétal et rencontre une autre lame de fond qu’il vient potentialiser : la lutte contre les effets du dérèglement climatique.

L’eau est plus limpide à Venise, le chant des oiseaux s’entend à nouveau contrairement à Greta Thunberg, l’air de Paris est respirable. Les cartes apocalyptiques du niveau des mers en 2050 ne seraient peut être pas une fatalité. L’homme est revenu au centre, sa santé est fondamentale, son impact aussi, CQFD.

Le revenu universel : le retour ?

Le revenu universel se réinvite mine de rien, pragmatique, ainsi que l’évoque Gaspard Koenig (Les Echos, 25 mars 2020). Qu’il s’agisse de mesures de la garantie de revenus en France (pour les indépendants, chômage partiel…), du plan d’urgence américain, des mesures sont mises en oeuvre pour que les besoins de base soient couverts. Ces mesures conjoncturelles sont-elles l’embryon de la mise en place de ce filet de sécurité évoqué par Thomas Paine dès 1796 ?

La simplicité et l’essentiel, le Do It Yourself n’est plus seulement une histoire de bobos. Les solidarités s’inventent, on s’enquiert de la santé des autres, de leurs besoins. Individuellement et collectivement, nous aurons été traversés par une puissance inédite, transformante, demain est à écrire. Ce que nous ne voulons plus, ce dont nous ne voulons plus, ce qu’il faut conserver, transformer, transcender …

Travailler autrement

Une étude passionnante de Jean Pralong relatée récemment et notamment dans l’Usine Nouvelle, nous en apprend beaucoup sur les télétravailleurs. Son titre est légèrement provocateur : le Télétravail déteste la Créativité. Il a suivi l’évolution de carrière de télétravailleurs sur 10 années (promotion, rémunération), et son constat est sans appel : le respect des process et le marketing de soi sont de bien meilleurs atouts que la Créativité pour préserver le lien de confiance avec l’entreprise quand le contrôle n’est plus possible. Sauf qu’en ce moment, le télétravail n’est plus marginal, et de fait, ça marche ! Les représentations devraient naturellement bouger (tout comme la qualité des écrans, espérons), et les réticences devraient s’estomper. Le rôle des managers – encore trop associé au contrôle – devra achever sa mue, les veilles croyances sont en passe d’être décolmatées sous l’impact de cet inconnu invisible. Cette réinvention du lien au travail, centré sur la création de valeur, devrait permettre de réduire durablement les déplacements coûteux, carbonés et accidentogènes.

A moins que le télétravail ne rappelle à ce point des mauvais souvenirs qu’il soit définitivement banni, cf le fameux « effet rutabaga », mais je ne le crois pas.

Et après ?

Après c’est maintenant, maintenant qu’il nous appartient de décider comment nous voulons habiter demain. A de nombreux égards ce virus est un drame, mais c’est aussi une crise, l’autre sens de l’idéogramme de Crise étant Opportunité.

2020, année coeur

« Jouer coeur est simple, il faut en avoir, voilà tout »

disait Jean Cocteau à son ami Jacques Maritain.

Voilà tout ! Et si c’était simple ? Et si 2020 faisait 20/20 côté coeur, une décennie où la conscience joue à armes égales avec la confiance ?

Et si – sur le théâtre des opérations – le respect l’emportait, car il y aurait plus à gagner qu’à perdre ?

Je vous souhaite, du fond du coeur, une très belle année 2020, avec pour seuls pics ceux de vos succès.

12 mois qui permettent à notre planète de nous dire Merci, et à tous la joie d’être pleinement Soi.

Jouez coeur et faites choeur !

Les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le coeur.

La sagesse du Petit Prince est toujours utile en ces temps de rentrée. Nouveautés en tous genres, discussions de machine à café sur les vacances, qu’il conviendra d’avoir réussies… Et vite le rythme s’accélère, parfois jusqu’à l’écoeurement. E-coeur-ment. Selon le Larrousse, trois sens au mot Ecoeurement : Etat d’une personne écoeurée (nous l’aurions deviné), dégoût profond et découragement, malaise.

Ce terme est fréquent dans le langage des millenials, et pas seulement en lendemain de soirée. Il évoque une colère mélée de tristesse, quand il n’est pas un simple tic de langage. Quoiqu’il en soit, c’est de coeur qu’il s’agit, et plus encore de ne pas le perdre. Le Littré nous livre cette éthymologie : Faire perdre le coeur, mais aussi de Escuerer : percer, transpercer le coeur.

Le coeur est donc au coeur du propos. Aussi, pour prolonger l’été et conserver votre coeur en pleine forme, je vous propose un Quizz de rentrée. Rien de plus simple ! Enjoy !

Le Quizz des 3 S (aucun rapport avec un chouchou VaDiste)

Parmi ces 15 affirmations, choisissez les 5 avec lesquelles vous êtes le plus d’accord et notez leur numéro. Dans une autre colonne faites de même avec les 5 qui vous conviennent le moins.

1 – Je sais ce que j’aime et ce que je n’aime pas, et j’en tiens compte au travail

2 – Je sais exactement quelles sont mes compétences transférables hors de mon entreprise/mission actuelle

3 – Je connais la stratégie dans laquelle s’inscrit mon action et je sais quelle part j’y joue

4 – Je suis au clair sur l’impact de l’intelligence artificielle, des algorithmes et des robots sur mon activité

5 – J’utilise aussi mes émotions pour décider

6 – Je mène un travail de développement personnel, en particulier sur mes soft skills

7 – J’ai une vue claire sur mon écosystème et sur la façon dont il évolue

8 – Je connais mes valeurs, je travaille sur mes croyances, et je veille à vivre en harmonie avec elles

9 – Je m’efforce de revisiter régulièrement des moments marquants pour apprendre et progresser

10 – Je sais comment me préparer aux échéances difficiles

11 – Je trouve une utilité à ce que je fais

12 – J’ai l’habitude de développer mes compétences en collaborant à des projets transversaux

13 – Je suis fier de mon parcours, j’aime transmettre

14 – Je capte les signaux faibles que mon corps émet, j’en tiens compte pour préserver ma performance et ma vitalité

15 – Je pourrais me réinventer totalement s’il le fallait.

Comment analyser vos réponses :

Evidemment sans tricher, ne lire la suite qu’après avoir sélectionné vos affirmations favorites et celles qui vous correspondent moins, bien sûr!

Les affirmations 1,5,9,10 et 14 concernent le Self-management. Comment vous vous managez vous-même, afin d’être un leader inspirant, c’est à dire qui importe des tensions pour exporter enthousiasme et hauteur de vue.

Les affirmations 3, 7, 8, 11 et 15 parlent du rapport au Sens, à votre raison d’être, à la perception de votre propre utilité et à ce que vous pourriez faire pour développer cette dimension source d’épanouissement.

Enfin les autres, 2, 4, 6, 12 et 13 ont trait aux compétences (Skills), dont le réagencement va créer les rôles de demain, à condition que votre socle de soft skills soit solide.

Vous notez la dominante de vos affirmations préférées : Self-Management ? Skills ? Sens ? Ainsi que celles que vous avez considérées comme les moins proches de vous. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

L’humble ambition de ce quizz de rentrée est de vous inviter à prendre un temps pour vous, quelques minutes avant le rush des réunions, des conf-calls… De quoi vous permettre de démarrer avec un soin de vous accru, avec un souci du comment, du pourquoi.

Mon expérience m’amène à penser que ces questions sont aussi un rempart contre l’écoeurement, dans tous ses sens. Il y va de votre résilience, de votre performance, et de votre santé tout simplement !

Ce serait intéressant que vous partagiez vos impressions et réflexions. Il serait également très intéressant que vous inscriviez à votre plan de développement personnel un point ou deux, et que vous vous y mettiez sans procrastination excessive…

Alors très belle rentrée à tous !

PS : Si tous les hélicoptères opérant sur les terrains de conflit pouvaient larguer des coeurs, nous serions moins écoeurés à l’écoute des informations. Alors merci au graffeur dont j’ai reproduit l’oeuvre; elle figure dans son intégralité sur un blockhaus de la métropole lilloise .

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Save the date !

Le 4 octobre 2019, à la Cité des Echanges de Marcq en Baroeul, APIA Hauts de France organise une matinale exceptionnelle :

Les bonnes pratiques de gouvernance des PME et ETI avec 5 éclairages : France, Belgique, Allemagne, Canada et Suisse.

Les débats porteront sur les bonnes pratiques de fonctionnement des Conseils d’Administration (et de surveillance), les rôles et vertus des administrateurs indépendants, et in fine la performance globale des entreprises.

Cette matinale est limitée à 50 participants pour favoriser l’échange ; elle est réservée aux dirigeants, actionnaires, administrateurs de PME et ETI.

Pour s’inscrire, suivez ce lien

Expressions de culture

En ce moment, la reconstruction d’un fleuron de la culture gothique mobilise des citoyens et les entreprises de partout dans le monde. Ce symbole, de l’histoire, de la chrétienté, de Paris, de la France, est une expression de culture qui appartient à tous, avec un rapport singulier pour chacun. Qu’inspire sa force mobilisatrice pour nos entreprises ?

Culture d’entreprise

Quels liens entretiennent Marque Employeur et Culture ? La notion d’employer branding, semble prendre ses sources en 1996 ; et oui, déjà! Tim Ambler et Simon Barrow précisent :

There are indications that strong corporate equity with the brand’s customers can improve the return on HR, while at the same time improved HR can improve the return on brand equity from external customers.

L’expression Marque Employeur est déposée en France par Didier Pitelet, homme de communication, en 1998. Il établit ce lien entre Marque Employeur et culture, définissant cette dernière  » comme le management : un tiers de tripes, un tiers de cœur et un tiers de cerveau ».

Sont-elles les deux faces d’une même médaille ? L’ADN de la Marque Employeur appartient au monde du marketing et de la communication. La nécessité de mener la guerre des talents a rendu indispensable l’extériorisation plus ou moins authentique de l’expérience collaborateur et de l’inscription sociétale de l’entreprise. Pour faire bonne mesure, ont émergé des sites donnant – anonymement – la parole aux collaborateurs actuels et partis. Le poids de la réputation justifie ces efforts de communication, et ceci bien au-delà de l’attractivité. Si la marque employeur est le reflet de la culture d’entreprise, convenons qu’il s’agit d’un miroir déformant.

Si l’on inscrivait la culture dans un bilan comptable, où la mettrait-on ?

Est-ce à l’actif ? au passif ? immobilisé ? circulant ? La culture apparait parfois comme un héritage immuable, que fierté et homéostasie transforment en dogme. Ou du moins est-ce la perception que nous pourrrions en avoir : la culture est ce qu’elle est, déterminant les comportements du collectif, dès que ses membres sont considérés comme intégrés, pour le meilleur et pour le pire.

Et si nous regardions la culture comme un actif circulant, vivant, contextualisé ? Les entreprises familiales sont reconnues pour leur culture forte, porteuse de racines et de sens. Fait-elle obstacle à leur agilité et à leur capacité à relever les défis ? La culture n’est pas sans impact sur la manière avec laquelle le corps social va s’emparer des challenges ; la constitution de ce corps social répond d’ailleurs souvent aux mêmes principes tacites : la mesure de l’adéquation culturelle au moment du recrutement est une approche pertinente de management des risques d’échec d’intégration.

La culture est le terroir, mais aussi ce que l’on en fait. La notion de terroir appelle, dans sa représentation symbolique, une notion de vérité, qui ne fait pas bon ménage avec la cosmétique. Comment parler vrai de son entreprise, au-delà des labels et des effets de manche ? Comment attirer des talents divers et renouvelés qui viendront enrichir les productions habituelles ? Comment, comme dirait Bertrand, passer à la permaculture humaine ?

Culture et performance

Dans un excellent article de HBR, Changez la culture de votre entreprise pour améliorer sa performance, Boris Groysberg, Jeremiah Lee, Jesse Price et J.YO.Jud Cheng posent cette articulation forte entre stratégie et culture :

La stratégie fournit une logique formelle pour définir les objectifs de l’entreprise et donne un cadre aux salariés pour les atteindre. La culture exprime les objectifs par le biais de valeurs et de convictions, et oriente l’activité par le biais d’hypothèses et de règles de groupe communes.

Deux cadres vivants qui concourent à la performance, et qui doivent être, l’un comme l’autre, objets de réflexion et de construction. Sans prise en compte de la culture, la stratégie est hors sol. La prendre en compte ne signifie pas la considérer comme le facteur limitant de toute stratégie. Il s’agit plutôt de la caractériser afin d’apprécier ses impacts : sera-t-elle facilitatrice, limitante, plurielle, evanescente ? Dès lors, comment infléchir la dynamique culturelle et aligner stratégie et culture ? Ces deux cadres s’inscrivent dans le temps long. La mise en parallèle a donc du sens.

Comme me le faisait remarquer un ami, la culture est rarement un sujet traité par les conseils d’administration et de surveillance, alors même que leur rôle premier est de définir la stratégie de l’entreprise. Je fais l’hypothèse qu’un sentiment d’impuissance a priori ruine toute vélléité d’adresser le sujet. A moins qu’il ne s’agisse d’un point aveugle.

Mais comment infléchir une dynamique culturelle ? Incarnée par le style de leadership de l’entreprise, la culture est vivante et se nourrit des comportements reproduits, par ses dirigeants, par ses managers ; elle est le sillon de ce qui est valorisé, toléré, proscrit. Elle parle par ses non-dits. Tout ceci est éminemment tangibles, ce sont des actes, du quotidien, du modifiable, du pilotable.

Une fois sa nature et sa puissance définies, la question de son adéquation à la stratégie visée et au leadership se pose. Toujours dans cette étude du HBR,

Les données que nous avons recueillies sur les activités de recrutement des cadres supérieurs indiquent que l’absence d’adéquation à la culture entraine jusqu’à 68% des échecs des nouveaux recrutements à des postes de haut niveau.

Combien sommes-nous à avoir mené une analyse dynamique sur la culture de notre entreprise et de sa trajectoire ?

Force et cohérence des représentations

La culture d’une entreprise est le reflet de son histoire et des personnages forts qui l’ont créée. Elle exprime – en creux – le souffle épique du récit de l’entreprise, de sa légende. Elle crée du « nous », si elle est consistante et convergente. Avec le temps elle se transforme, sans mot dire, au risque de perdre de sa consistance et de sa cohérence. Par exemple, la valeur « Réussir ensemble » est encore inscrite sur le site corporate, mais le système de rétribution de la performance a réduit le collectif à la seule participation aux bénéfices… Autre exemple, l’entreprise s’est développée par croissance externe et fait le pari d’un alignement culturel spontané…. Il est des moments particulièrement propices dans la vie des entreprises pour auditer l’ombre projetée de la culture auprès de ses collaborateurs : transmission, rachat, anniversaire, etc. Ces reflets permettent une mise en perspective avec la stratégie définie ; ils suggèrent les rituels de management et de communication à infléchir, à stopper ou à introduire. Certaines branches sont à couper pour que l’arbre garde sa forme et sa vigueur. Une culture s’entretient, et ainsi la fameuse expérience collaborateur devient de plus en plus propice à la survenue de la performance durable souhaitée.
A noter que le sentiment d’appartenance, cimenté par une culture vivace, laisse de plus en plus place au besoin de sens, et pas que pour les millenials! L’engagement en est la résultante.

Il est difficile de s’exonérer du questionnement lorsque l’on parle de culture, car in fine tout ceci n’est qu’une question de perception. Le regard systémique est nécessaire pour interpréter correctement les signaux émis et les ombres projetées, tant la dynamique culturelle est insaississable et prégnante à la fois. Le monde des symboles est invité permanent dans ces sujets de culture, et loin d’être accessoires, ils sont souvent les bras de leviers les plus puissants, connectés aux émotions et aux mondes inconscients.

L’homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent d’un regard singulier.

Correspondances, les fleurs du mal de Charles Baudelaire

Nous pouvons oser écrire aussi « à travers des forêts de symboles qu’il observe d’un regard singulier », car réciproquement l’homme fait la culture et la culture fait l’homme (et la femme bien sûr!)

La culture n’est pas une fatalité, on n’a pas la culture que l’on mérite mais celle que l’on se fabrique. Encore faut-il s’en occuper.

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Rien ne m’est plus, plus ne m’est rien

En deuil de son mari le Duc Louis d’Orléans, Valentine Visconti a prononcé cette phrase célèbre gravée sur son tombeau : « Rien ne m’est plus, plus ne m’est rien. » Un vers d’une grande poésie, qui m’a touchée, en écho à l’abîme insondable d’un coeur qui a perdu ses liens et les siens.

Je ne suis pas coutumière de ce registre, aussi vais-je nouer des fils avec mon monde habituel, celui de l’entreprise.

Quand tout est vide

La douleur d’un deuil, d’une perte, est un passage normal pour aussi douloureux qu’il soit. Les approches sur le sujet du deuil ne manquent pas, l’une des plus connues étant la courbe de deuil du docteur Elisabeth Kübler Ross. D’intensité et de forme variable d’une personne à l’autre, la tristesse est souvent mélée à d’autres sentiments : la nostalgie, l’inquiétude, le sentiment de fragilité ou d’injustice. Si Valentine Visconti avait pris du propranolol, cette phrase n’aurait pas traversé l’histoire, et partant la guerre civile opposant les Orléans-Armagnacs et les Bourguignons n’aurait peut-être pas eu lieu.

Vous avez sans doute entendu parler de cette recherche canadienne opportunément rendue publique le 14 Février 2019 à propos d’une molécule venant à bout des chagrins d’amour et autres stress post-traumatiques. Dès 2009, le psychiatre Alain Brunet de l’université McGill avait démontré l’effet de ce médicament sur la manière dont sont mémorisés les souvenirs. La psychologue Amstellodamoise Merel Kindt démontrait que la prise de propranolol influe sue la chimie cérébrale en bloquant la reconsolidation de la composante émotionnelle de la mémoire. (source Psychomédia, BBC ScienceNews). « L’hypothèse que tout souvenir émotif, heureux ou triste,  soit neutralisé n’est pas écarté » spécule Merel Kindt. A la base dédié au traitement de l’hypertension, ce bêta-bloquant est maintenant qualifié de « médicament de l’oubli » par le Docteur Brunet qui assimile les chagrins d’amour à des stress post-traumatiques. Des expérimentations de ce traitement sont en cours, notamment en France.

Emotions et Ethique

Les stress post-traumatiques empêchent parfois la vie de reprendre son cours. D’ailleurs le propranolol a été testé auprès des victimes des attentats du Bataclan et de Nice. Valentine Visconti n’a pas obtenu réparation auprès du roi, elle n’a pas trouvé d’issue ni de sens au décès de son mari; elle lui a survécu un an. L’intensité de la tristesse est indéniable, de la colère aussi, et le propranolol l’aurait probablement soulagée. Toutefois je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la dimension éthique. Effacer la composante émotionnelle d’un souvenir -et pourquoi pas de souvenirs heureux au passage – pouvoir traverser la vie avec la garantie de ne pas souffrir, n’est-ce pas un pacte dangereux ?

L’expérience nous prouve que les indications strictes prévues au départ s’étendent fréquemment vers des usages moins pertinents ou plus laxistes ; ce risque semble d’autant plus important qu’en France nous battons le record européen de consommation de psychotropes.

Faut-il supprimer les émotions ?

Jamais les termes de zen, bonheur au travail n’ont été aussi nombreux. Mais Fabrice Midal s’insurge, et cite Tal Ben-Shahar :

Pour ne pas ressentir d’émotions désagréables, il faut être soit psychopathe, soit mort.

Ou prendre du propranolol… Fabrice Midal revisite la notion de bonheur, qui n’est pas l’absence de souffrances mais l’expression de sa liberté d’agir ; c’est être vivant. Son dernier ouvrage, Traité de morale pour triompher des emmerdes, est vivifiant ; le bonheur est cause et non conséquence. La psychologie posititive et la méditation constituent les piliers de cette philosophie, et viennent bouleverser le bruit ambiant sur le sujet du bonheur, même et notamment en entreprise.

Il existe des tristesses abyssales, des dépressions, des mélancolies, qui ne peuvent être surmontées sans aide. Mais il existe aussi une intolérance à la frustration, à la contrariété, et plus généralement à toutes ces émotions dites négatives. Partie intégrante de notre nature humaine, ces hivers du coeur nous confrontent cruellement : à nos certitudes, nos fragilités, nos paradoxes. En cultivant la conscience de soi, de ce qui advient et de son pouvoir de nouer d’autres rapports avec l’adversité, nous grandissons et vivons pleinement.

Ce n’est pas la voie la plus simple, mais à terme je suis convaincue qu’elle est la plus belle et la plus libre.

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Discerner les signaux faibles pertinents

À l’issue d’un échange passionnant sur les signaux faibles animé par Daniel Cheron dans le cadre d’Apia (Administrateurs Professionnels Indépendants Associés), reste une question fondamentale : comment discerner les signaux faibles pertinents ? Dans le bruit incessant, entre fake news, signes trompeurs et/ou insignifiants, comment se repérer ?

Complexité du contexte

Après une croissance historique de son chiffre d’affaires en 2018 (+14,6 %), à 3,6 milliards d’euros, le groupe se montre sceptique sur sa capacité à atteindre cette année son objectif de + 10 %. Nous prenons [ce ralentissement] au sérieux, sans sombrer dans le pessimisme,

souligne un porte-parole du groupe familial de Stuttgart Trumpf, spécialisé dans les machines à découpe laser.

« Prise au sérieux et scepticisme sans sombrer dans le pessimisme » … posture toute en subtilité. Qui est destinataire de ce type de message: le marché ? Les actionnaires ? Les salariés? Les concurrents ? Face aux inquiétudes géopolitiques et climatiques, les dirigeants déroutés sont légion. La complexité réduit la capacité à repérer ces signes, et donc à négocier les virages stratégiques vitaux. Ce monde d’incertitudes fragilisent les hypothèses fondamentales qui guident perception et décision.

Négliger les signaux faibles et naviguer à vue?

Si rien n’est prévisible, que tout est possible, à quoi bon écrire des plans à moyen terme, des stratégies ? A quoi bon perdre du temps avec des instances de gouvernance ? Soyons agiles en day to day ! Avec une acoustique déplorable, difficile de voir loin…

85% des métiers de 2030 n’existent pas encore selon une vingtaine de chercheurs mandatés par l’Institut du Futur et Dell (mars 2017). L’étendue de cette terre inconnue est vertigineuse. D’autant qu’il s’agit d’un futur proche, tellement proche que cela semble inconcevable. Comment anticiper l’incertitude et l’inédit ?

Les data n’ont jamais été aussi nombreuses – sondages, prévisions économiques, études… – pourtant leur intelligence est souvent mise en défaut. Or les plus grandes erreurs de décisions ne sont pas le fruit d’un manque de données, qu’il s’agisse de la faillite de Lehmann Brothers, du Printemps Arabe, de l’accident de Fukushima, ou encore de l’élection de Donald Trump. Dans l’excellent Bienvenue en incertitude! Principes d’action pour un monde de surprises Philippe Silberzahn enfonce le clou : les erreurs ne proviennent pas d’un manque de signal, le Big Data et tous les algorithmes ne sont pas la panacée. En revanche des hypothèses erronés empêchent le repérage des signes signifiants, a fortiori lorsqu’ils sont inédits voire impensables. L’impensable amène au déni, comme l’a si bien décrit la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross au stade premier de sa devenue célèbre courbe de deuil.

Débusquer les cygnes noirs

Philippe Silberzahn pointe une erreur méthodologique majeure, consistant à confondre le management des risques – basé sur la notion de récurrence – avec la navigation en incertitudes, basée sur l’identification de divergences porteuses de futur. Tout concourt à négliger l’inédit : marginal, improbable, inaudible, il échappe à la lecture cartésienne et objective basée sur un consensus implicite d’hypothèses de travail propres aux comités de direction et à leurs conseils.

Pour repérer les cygnes noirs, une perception systémique, culturelle et sensible de l’univers dans lequel intervient l’entreprise est indispensable. S’y ajoute un art du questionnement des hypothèses et des croyances, qualifié de socratique par l’auteur de Bienvenue en Incertitude : poser des questions plutôt que se ruer vers les réponses, pour éviter le piège de l’évidence. Enfin, prendre en compte les cas particuliers, le singulier dans ses détails pour accueillir le bruissement de l’aile du papillon. Les généralités, hors sol et chiffrées, ne sont pas porteuses de sens ni d’apprentissage. Seules des conversations approfondies, concrètes et confrontantes permettent de discerner le signal faible du bruit.

Rôle réinventé de la gouvernance

In fine, le rôle fondamental des conseils d’administration et de surveillance ne réside-t-il pas dans 3 points ?

Aider l’entreprise à :

– apprendre à apprendre en la questionnant sans cesse et sans tabou, même sur ses évidences, sur ses fameux fondamentaux et ses hypothèses structurantes,

– y voir clair sur ses forces et ses angles morts pour la rendre plus consciente et plus forte intrinsèquement

–  éclairer un peu plus loin la trajectoire en associant la diversité de ses antennes et de ses capteurs, pour constituer avec elle et ses parties prenantes un maillage sensible et sensitif ancré dans sa réalité.

Pour une gouvernance au cœur de ces trois responsabilités, il faut un conseil divers, engagé, curieux et tenace. Son efficacité repose sur un pacte de bienveillance explicite. L’art du questionnement tel qu’évoqué plus haut nécessite une absolue confiance entre le management et le conseil, condition qui n’est pas toujours au rendez-vous, hélas.

Finalement, il ne s’agit peût-être pas tant de réinventer la gouvernance, mais de renouer avec ses origines maritimes au service des odyssées entrepreneuriales en temps incertains.

Enfin et surtout, un cygne faible peut être noir, … ou blanc !

 

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